
Her Story
Menez l'enquête dans cette aventure narrative pas comme les autres

Quand on vous dit que c'est le retour du "old-school" !
Les jeux indé sont très souvent teintés de nostalgie, qu'il s'agisse de graphismes 8-Bit ou encore de gameplay à l'ancienne.
Mais en ce qui concerne Her Story, point de purée de pixels, ni de platformer old-school.
Ici, ce sont les années 90 qui sont à l'honneur avec un jeu essentiellement centré autour de la FMV (Full-Motion Video).
La FMV ? Mais kézako ?
C'est tout simplement une utilisation massive de scènes préenregistrées sur vidéo en lieu et place de graphismes en 3D, par exemple.
L'intérêt principal de cette technologie fut d'en mettre plein les mirettes aux joueurs des 90's en intégrant de vrais acteurs. Le but était bien entendu de renforcer le réalisme, favorisant ainsi l'immersion.
La série emblématique qui utilise avec brio la FMV est bien sur celle des jeux de Space-Opera Wing Commander. Le premier volet, sorti en 1990, intégrait ainsi des acteurs connus (comme Mark fucking Hamill, LE Luke fucking Skywalker). On peut aussi citer quelques jeux d'aventure, comme le mythique Myst (1993) ou l'horrifique Phantasmagoria (1995) ou encore The X-Files, le jeu (1998).
Les années 2000 virent le déclin de cette mode. Il faut dire que dans certains titres, le jeu des acteurs frôlait parfois le ridicule.
Bref, vous l'aurez compris, Her Story renoue avec la tradition de la FMV, et l'ensemble du jeu fleure bon les années 90.

Le jeu est entièrement centré sur la consultation de vidéos.
Passer de Triple A à l'indé
Avant d'entrer dans le vif du sujet, arrêtons-nous quelques instants sur le développeur/créateur/scénariste du jeu, Sam Barlow.
Après avoir été designer sur différents projets (Serious Sam : Next Encounter ou l'adaptation de Ghost Rider - sigh), il devient le lead designer et surtout scénariste de deux opus d'une série culte : Silent Hill Origins (2007) et Silent Hill : Shattered Memories (2009). Comment passe-t-on d'un poste si important dans l'une des plus grosses firmes japonaises de développeurs qu'est Konami, à un projet indépendant ?
Et bien c'est Sam qui l'explique lui-même : "J’étais frustré, car les personnages, les scénarios et les jeux qui me passionnent deviennent de moins en moins rentables pour les éditeurs classiques. Ils dépensent de plus en plus d’argent pour faire de moins en moins de jeux – ils cherchent du coup les paris les moins risqués. J’ai commencé à être jaloux des développeurs indés qui sont capables de sortir des jeux personnels et intéressants".
C'est donc pour ranimer sa flamme de créateur et pouvoir enfin prendre des risques que Barlow s'est lancé dans l'aventure du jeu indé.
Espérons que d'autres grands noms du jeu vidéo prennent ce chemin. Je pense tout particulièrement à Hideo Kojima, papa des Metal Gear, qui vient de se fâcher très sérieusement avec Konami... Mais ça, c'est un autre sujet.
Le retour du jeu d'aventure textuel
La fibre nostalgique ne s'arrête pas à la FMV, et Barlow a ainsi dépoussiéré le vieux concept des jeux d'aventure textuel
Pour les plus jeunes (ou ignorants) d'entre vous, précisons que ces jeux étaient les prédécesseurs des point-and-click. C'est un genre qui a vu le jour sur PC puisque, dénués de tout graphisme, ces jeux consistaient en de simples lignes de texte vous racontant une histoire. Lorsque des décisions devaient être prises, le joueur était invité à taper un verbe ou une action. C'est un peu le pendant vidéo-ludique des "livres dont vous êtes le héros".
Ce genre fut très populaire dans les années 70-80, puis s'est complètement éteint par la suite.
Barlow n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'en 1999, il a sorti (gratuitement) un très court jeu de ce type intitulé Aisle (littéralement "rayon de supermarché"), dans lequel, face à une même situation initiale, vous devez taper un verbe ou une courte phrase pour provoquer une fin différente à chaque fois.
Bon, c'est bien beau tout ça, mais Her Story, ça raconte quoi ?
Salle d'interrogatoire Simulator 2015
Ca aurait pu être le titre du jeu, s'il avait été mauvais et développé à l'arrache par une équipe allemande.
Mais ça n'est pas le cas.
Le joueur se retrouve dans la peau d'une personne (dont on ne connaîtra l'identité que vers la fin du jeu) qui navigue dans la base de données d'un commissariat.
Vous vous retrouvez donc à naviguer sur le bureau d'un simili-windows 95 et à utiliser le logiciel d'indexation d'extraits d'interrogatoire mis à votre disposition.

Bienvenue dans le passé. Vous apprécierez le rendu "bombé" et strié de nos vieux écrans de PC, ainsi que le reflet des néons du commissariat.
Lorsque vous démarrez, vous ne connaissez rien de l'affaire en question. A peine savez-vous qu'il s'agit de la disparition d'un homme.
Pour en apprendre davantage, vous devrez taper des mots-clefs dans le moteur de recherche du logiciel. Celui-ci vous fournira alors des extraits vidéo de l'interrogatoire de la conjointe du disparu.
Par exemple, tapez "drug", et vous débloquerez une vidéo de quelques secondes où la femme vous indiquera (comme si elle répondait à votre question sous-jacente) qu'il ne prenait pas de drogue et qu'il buvait raisonnablement.
Tapez "unfaithful" (infidèle) et la vidéo où elle nie avoir eu une liaison extra-conjugale apparaîtra.
Ca paraît tout bête, mais c'est rudement bien fichu.
Au fur et à mesure des extraits vidéo débloqués, vous en apprendrez davantage sur la vie des protagonistes, vous donnant d'autres mots-clefs à taper et ainsi de suite.
Une expérience unique
Même si le premier mot que vous entrerez sera "murder", la suite ne dépend que de votre instinct et de la direction dont vous mènerez votre interrogatoire.
Ainsi, l'ordre des extraits vidéo sera différent pour chaque joueur, et il y a de grandes chances que vous débloquiez des vidéos que d'autres joueurs n'auront jamais pensé à débloquer.
La protagoniste principale se dévoilera ainsi petit à petit, vous apportant des réponses à vos questions, ou au contraire vous plongeant plus profondément encore dans le mystère.
Les rebondissements sont franchement très bien dosés (si tant est qu'on les découvre) et il faut noter l'excellente performance de l'actrice principale, Viva Seifert.

La performance de l'actrice est, fort heureusement, excellente.
Même la fin du jeu est sacrément teintée d'originalité, mais bien sur, tout le sel est de la découvrir soi-même.
Petit hic, il m'a fallu un peu plus de deux heures pour "terminer" le jeu, mais soyons honnête, pour le prix d'un paquet de cigarettes, on va pas faire la fine bouche, surtout devant la fraîcheur du soft.
Et encore, je n'ai pas terminé entièrement le jeu, puisque selon les succès Steam, je n'ai même pas débloqué 75% des extraits vidéos.
Peut-être ma conclusion n'était-elle pas la bonne ? Peut-être ai-je bâclé mon enquête, comme un flic trop content de sauter sur des conclusions hâtives ?
Il ne me reste plus qu'à en débattre avec d'autres sur les forums.
Pour ma part, je vous invite plus que chaudement à vous essayer à cette aventure pas comme les autres.
Ah oui, précision d'importance, tous les textes et dialogues sont intégralement en anglais, donc il vaut mieux avoir de bons rudiments dans la langue de Shakespeare.
Liens :
- Interview de Sam Barlow dans Liberation : http://www.liberation.fr/culture/2015/07/30/sam-barlow-her-story-est-une-experience-tres-intime_1353298
Publié le 31 juillet 2015